Des hypermarchés en voie d’obsolescence ?
L’hypermarché a-t-il vécu ? C’est en tout cas ce qu’ont laissé entendre ces dernières semaines les patrons français de la grande distribution lors de la présentation de leurs résultats 2016. Ce symbole de la mondialisation à outrance – façonné dans les années 60 – a du plomb dans l’aile.
Ce modèle est aujourd'hui sérieusement amoché par les sites de vente en ligne et par la méfiance vis-à-vis de la consommation de masse. Globalement, la part des ventes du non-alimentaire recule chez les principaux acteurs du secteur. Selon l’Obs, 83% du chiffre d’affaires du groupe Carrefour est aujourd’hui réalisé en alimentaire contre 80% en 2011. Et la plupart des achats de produits électroménagers, télévision, multimédia et high-tech s’effectuent désormais sur Internet, Amazon en tête.
Si le modèle de l’hypermarché bat de l’aile, les résultats des grands groupes restent encore très honorables. Casino enregistre une hausse de 5,7% de son chiffre d’affaires en 2016 à 36 milliards d'euros, de même pour le groupe Carrefour avec +3,3% à 85,7 milliards d'euros. Mais son bénéfice chute, lui, de 23,47% en raison de mauvais résultats dans l'Hexagone et des pertes de sa filiale lowcost Dia.
Auchan affiche pour sa part un bénéfice en hausse de 14%, bien que son chiffre d’affaires recule de 1,8% à 52,8 milliards d'euros. L’obsolescence programmée des hypermarchés ne met pas encore en danger la santé financière de la grande distribution mais l’oblige à changer de stratégie.
Casino a par exemple choisi ces dernières années de réduire la surface de ses hypermarchés. «Le groupe poursuit la rationalisation de son offre non-alimentaire en réduisant ses surfaces dédiées, conduisant à une baisse de -1,6% des surfaces de ventes totales», a indiqué le groupe Casino le 7 mars lors de la publication de ses résultats pour l’année écoulée.
Deux hypermarchés du groupe – à Toulouse et Angoulême – ont vu leur surface rabotée de 20% l’an dernier. Casino compense cette réduction par une concentration de l’offre en produits alimentaires. «Les mètres carrés ont été réduits mais cela n’a pas empêché la croissance des ventes. Le chiffre d’affaires au mètre carré est en croissance de 3% sur ce format», commente Jean-Charles Naouri, le président de Casino.
Du côté d’Auchan et de Carrefour, pas question de réduire les surfaces. L’heure est à la diversification des activités, au «multi-format» comme a déclaré le 9 mars le PDG du groupe Carrefour Georges Plassat. L’hypermarché doit devenir «un lieu de vie» avec le développement d’espaces dédiés à la restauration, aux services et à l’animation.
Les enseignes de la grande distribution développent également le commerce de proximité via différentes enseignes franchisées (Carrefour City/Market/Contact, Leader Price/Franprix/Monoprix, Simply Market pour Auchan etc.) Le but étant de proposer une même ligne de produits de «l’hyper» au magasin au coin de la rue. Le tout au détriment du non-alimentaire, désormais apanage du commerce en ligne.
La martingale de l'hyper ne fonctionne plus non plus avec l'insolence qu'on lui avait connu dans les pays émergents qui furent longtemps un terrain de jeu privilégié pour les grandes enseignes françaises. En Chine, le marché encore en forte croissance des hyper subit désormais la concurrence de plein fouet du commerce en ligne dont le géant mondial Alibaba est le leader incontesté.
Présent sur le marché chinois avec sa filiale Sun Art, Auchan veut y accélérer sur l'Internet. Pour les géants de la distribution chinois qui multiplient les partenariats avec des acteurs issus du e-commerce, il est encore possible de gagner beaucoup d'argent dans la distribution physique mais à condition de jouer la complémentarité «online/offline», notamment à travers les moyens de paiement directement intégrés dans les smartphones.
Au Brésil, où l'hyper fut longtemps roi, le modèle est également remis en cause par le «cash and carry» du drive. Selon une étude du Crédit suisse citée par les Echos, les jeunes âgés de 20 à 30 ans dans les pays émergents consacrent désormais 20% de leur budget d'achat dans les achats en ligne.
Comme dans les télécoms où les usagers sont passés directement à la case mobile sans passer par le téléphone fixe et filaire, la consommation physique mute de plus en plus vers le e-commerce, avant même que le modèle des centres commerciaux et de leurs hypermarchés étendards ait eu le temps de réellement s'installer.